Depuis l’arrivée sur le marché de ChatGPT il y a un an, tout le monde en parle ! Outil magique, enfin disponible partout, L’IA pourrait même faire les devoirs à votre place ?! L’intelligence artificielle viendrait ainsi transformer de nombreux secteurs de la société, notamment l’enseignement des langues. Certains y voient même la mort annoncée des traducteurs et des profs de langues. Après plusieurs mois d’utilisation et de réflexion, j’ai voulu partager mes observations à ce sujet.
1/Les applications de e-learning
L’apprentissage d’une langue avec l’intelligence artificielle a ses avantages. L’application est disponible partout et à tout moment. Elle peut rapidement devenir une routine, ce qui garantit une pratique régulière. Et puis, c’est gratuit ou très peu cher, surtout par rapport aux formations traditionnelles. C’est aussi une activité engageante, ce qui peut être déterminant sur sa motivation. Enfin, comme il n’y a pas de rapport humain, on se sent en sécurité et en contrôle, ce qui permet d’apprendre plus sereinement.
Certes, mais le plus important sur l’application, c’est de pratiquer tous les jours. En effet, l’IA repose sur une quantité importante et sens cesse renouvelée de données, exploitées ensuite par un algorithme. Donc on focalise sur le « day streak », qu’il ne faut surtout pas casser ! De plus, on ne peut pas vraiment coopérer activement au processus d’apprentissage. Il n’est pas possible de changer l’ordre des exercices, ni de réviser une question déjà vue auparavant. Et il est parfois difficile de trouver des explications claires à ses erreurs.
Par ailleurs, comme la progression est basée sur la réussite aux tests, tout est très compétitif : on se retrouve placés sur des podiums virtuels. L’application génère même automatiquement des « duels virtuels » avec d’autres apprenants ! L’apprentissage s’apparente ainsi à une course à la performance, dont le but ultime est d’avoir eu tout bon, le plus vite possible. En fin de compte, c’est surtout la compréhension qui est mise à l’honneur, au détriment de l’expression orale. Les voix de synthèse sont d’ailleurs plus ou moins réussies : l’accent tonique est parfois mal placé, ou l’énoncé n’est pas naturel. Et parfois des réponses sont considérées comme fausses, alors qu’elles sont parfaitement correctes.
Enfin d’après ce que j’ai vu, la personnalisation des cours ne se fait qu’en fonction des résultats aux tests. Ainsi, le parcours individuel n’est pas pris en compte : ni les échecs passés éventuels, ni les objectifs ! Et il n’est pas possible non plus d’adapter le contenu des leçons en fonction de ses goûts et de ses intérêts, ni de exigences professionnelles de chacun.
Donc en fait, la grande question c’est de savoir s’il est possible de parler couramment une langue en s’entraînant uniquement sur du e-learning ?
2/ E-learning pour parler couramment?
Si l’objectif est d’apprendre du vocabulaire, des règles grammaticales et syntaxiques avec 100% de réussite aux exercices, alors oui c’est possible. Et pourtant, suffit-il d’arriver ‘en haut du podium’ toutes les semaines pour bien parler une langue ? Si la pratique régulière des exercices permet en effet d’arriver peu à peu à formuler des phrases, elle n’est pas suffisante pour parler couramment.
Or, le but de parler une langue n’est-il pas avant tout de pouvoir communiquer avec ceux et celles qui la parlent ? Ainsi, d’après le dictionnaire, il s’agit de transmettre une information ou des sentiments. C’est aussi se mettre en relation avec quelqu’un et faire partager qui on est avec d’autres. C’est pourquoi parler une langue couramment ne peut se limiter à la réussite de tests, ni même à l’obtention d’un diplôme ! Parler une langue étrangère, c’est pouvoir échanger des informations et les comprendre en retour. Mais c’est aussi découvrir, comprendre et savoir apprécier une autre culture, une autre façon de penser, de voir la vie. Cela entretient également la curiosité, l’envie d’apprendre, la recherche d’échanges… Voilà pourquoi, je suis si passionnée par mon travail !
Et pourtant, certains déclarent que grâce à l’IA il ne sera bientôt plus nécessaire d’apprendre une langue étrangère.
3/Avec l’IA, plus besoin d’apprendre l’anglais?
En effet, à l’avenir on aura juste à mettre des lunettes sur lesquelles seront affichées en direct la traduction simultanée des paroles de notre interlocuteur et comment y répondre ! Alors, autant jeter l’éponge tout de suite ! Il est vrai que même si de telles avancées technologiques ne sont pas encore pour demain, elles peuvent sembler une bonne idée, surtout si « on n’est pas doué pour les langues ». Malheureusement (ou non !), la langue ne se réduit pas à une série de mots mis dans le bon ordre ! Par conséquent comment transcrire avec ces lunettes l’ironie ou le sarcasme, des jeux de mots, des sous-entendus, ou encore l’humour ?
De plus, comme le rappelle l’université de Cambridge, plusieurs études ont établi que l’apprentissage d’une langue étrangère a de nombreux bénéfices. Excellente gymnastique du cerveau, cela permet de lutter contre les troubles neurologiques et la maladie d’Alzheimer. Et en plus d’améliorer sa concentration et sa mémoire, cela peut aussi aider à la prise de décision et la résolution de problèmes. Enfin, et comment s’en étonner, cela améliore également l’écoute et l’empathie vis-à-vis des autres. Du coup, ce serait vraiment dommage pour les générations futures de choisir une solution de facilité !
Pour conclure, des inquiétudes subsistent face à l’intelligence artificielle, car elle pourrait menacer notre vie privée et notre sécurité. C’est maintenant aux experts et aux pouvoirs publics d’y remédier au plus vite. En effet, cette technologie émergente n’est pas près de disparaître ! Espérons qu’à terme elle trouve sa juste place dans nos sociétés. En tout cas, pour l’apprentissage des langues, il semble clair que les applications qui utilisent l’IA sont potentiellement de bons outils de pratique quotidienne, mais plutôt en complément des méthodes traditionnelles. En effet, comme dans beaucoup d’autres domaines (programmation, journalisme, recherches, finances, …) on ne pourra jamais retirer l’humain de façon satisfaisante. C’est ce que je constate dans mes cours : pour bien apprendre on ne peut ignorer les émotions, ni la fatigue ou le stress. Ainsi, il est nécessaire de faire preuve de patience et de compréhension face à l’embarras ou la crainte de l’échec par exemple. Mais le plus important, c’est de prendre du bon temps ! Saviez-vous qu’il ne faut que 10 à 20 répétitions (au lieu de 4000) pour que notre cerveau forme une nouvelle synapse… mais seulement quand on s’amuse ?!!